Shin Soo Rin naquit un jour d’été, dans une famille très modeste qui travaillait dans des champs de riz. Pauvre mais bienheureux, le jeune poupon était la seule chose qui manquait au couple pour réaliser leur désir de fonder une belle famille. Ils furent d’autant plus heureux de remarquer, au fil des premiers mois de la vie du bébé, qu’elle était parfaitement calme et discrète et qu’elle ne demandait pas plus d’attention que nécessaire.
Elle grandit paisiblement et fut même en avance sur son âge dans son apprentissage du langage, grâce à l’attention que portaient les deux parents à leur précieuse enfant, malgré leur épuisement au travail.
A l’âge de quatre ans, un double évènement perturba la vie paisible de la jeune Soo Rin. Elle était alors une enfant vive et lumineuse, toujours souriante et qui charmait tout le monde dans le petit village par ses petites mimiques enfantines, son sourire malicieux et son regard pétillant.
La mère de Soo Rin tomba enceinte de son deuxième enfant. La jeune princesse – tout le monde la surnommait ainsi à cause de sa grande politesse, son aura lumineuse et ses jolies manières – était très heureuse de savoir qu’elle aurait un petit frère ou une petite sœur pour rester avec elle tant qu’elle ne pouvait pas accompagner sa maman et son papa aux champs de riz. Mais cet heureux évènement ne vint malheureusement pas seul. En donnant la vie à Shin Woo Min, la mère des deux enfants perdit sa propre vie, rendant son dernier soupir au moment même où le nouveau-né poussait son premier cri.
La mort de sa mère, bien évidemment, bouleversa la fillette qui avait toujours été très proche d’elle, sa mère avait plutôt eu une image de grande amie et confidente plutôt qu’une image uniquement maternelle, mais cet évènement tragique bouleversa également la famille et le village entier.
Les parents de la famille Shin étaient deux personnes admirables, honnêtes et sérieuses dans leur travail. Ils n’hésitaient pas à mettre leurs problèmes de côté pour aider les autres à résoudre les leurs, et ne recherchaient rien d’autre que le bonheur pour leur petite famille.
Elever deux enfants, dont un bébé, seul après avoir brutalement perdu sa femme ne fut certainement pas une tâche facile à accomplir pour le père de famille, mais malgré la douleur d’avoir perdu sa moitié, il s’en sortit à merveille. Même s’il se devait de travailler deux fois plus, il restait très présent pour ses enfants. L’aide de sa petite fille lui était précieuse aussi car elle s’occupait beaucoup de son petit frère et venait aider son père sur les champs de riz. Toujours très souriante, elle apportait du courage et de la bonne humeur à tous les travailleurs.
Elle commença donc à travailler très jeune, comme beaucoup d’enfants à son époque. Mais une fois que son frère fut assez âgé pour rejoindre leur père au champ de riz, Soo Rin joignit plutôt les ateliers de couturières, ses mains étant trop faibles et fines pour exercer certains travaux des champs. La petite princesse se révéla être très douée dans son nouveau métier qui se révéla être surtout une sorte de loisir plutôt qu’un emploi.
De leurs côté, les garçons travaillaient tout à fait honorablement et Soo Rin était incroyablement fière de son petit frère qui, malgré son apparence de petit garçon fragile, était très fort pour son âge.
Mais les choses, une fois de plus, ne pouvaient pas rester roses. Comme à chaque moment de bonheur de la vie de notre jeune adolescente, le mauvais sort devait refaire son apparition.
Le comte qui possédait les champs de riz où le père et son fils travaillaient, quitta la Corée en 1226. SooRin avait alors quatorze ans et son frère onze. Son successeur les chassa de son territoire, ne gardant que les habitants les plus anciens.
Prise en charge par un nouveau comte, la famille Shin semblait pouvoir s’en sortir, mais cela était sans compter sur la tyrannie du comte qui, graduellement, leurs demanda plus de travail, puis plus d’argent pour son propre compte.

Malgré des années de dur labeur, d’épuisement, la famille Shin restait honnête et payait tous ses impôts, même s’ils devaient de plus en plus se priver du temps livre qu’ils possédaient déjà très peu.
L’année des dix-huit ans de la jeune SooRin, le père des deux enfants fut arrêté et mit en prison sous raison qu’il ne payait pas les impôts que demandait le comte : ce qui était faux.
Victime d’une injustice, et épuisé par son dur labeur, l’homme d’âge assez avancé décéda derrière les barreaux, laissant sa fille et son fils de quatorze ans seuls derrière lui.
« Qu’allons-nous devenir… »
La jeune fille éclata en sanglot après s’être réfugiée dans le calme de la forêt, comme elle avait l’habitude de faire quand elle avait du temps libre ou qu’elle devait se changer les idées. C’était une manie qu’elle avait prise depuis le décès de sa mère.
« Pourquoi pleures-tu petite ? »
SooRin sursauta au son d’une voix masculine proche d’elle mais lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle ne vit personne. Il lui fallut lever les yeux pour apercevoir un jeune homme assis sur une branche haute d’un arbre.
« Je… Pardonnez-moi mais je ne suis pas « petite ».
- D’ici, tu as l’air petite, crois-moi. »
Il descendit de son arbre avec grâce et précision avant de s’accroupir devant la jeune fille, observant son visage fragile.
« Alors ? Si tu me racontes, je te dirais mon secret. Tu m’as l’air trop gentille et jolie pour pleurer.
-Je…- elle hésita un instant – Mon père vient de mourir en prison.
- Oh… Pourquoi s’y trouvait-il ?
- Injustice. A cause des riches. Maintenant, nous n’avons plus rien…
- J’imagine que ta mère ne peut pas subvenir à vos besoin seule, n’est-ce pas ?
- Mère est morte il y a quatorze ans.
- Tu es seule ? Tu peux rester ici si tu le désires, je te présenterais mes amis.
- Je ne sais même pas qui vous êtes !
- Jun Hoo. Je n’ai pas de nom. Je suis le maître des bois ici. Je vis grâce aux animaux et aux plantes de ce lieu. L’argent n’a aucun intérêt pour moi. Et… Je peux te faire confiance n’est-ce pas ? Oui, tu as l’air digne de confiance. Je suis un voleur. Mais je ne fais pas partit des méchants de l’histoire, je te le promets ! Je prends l’argent des riches pour le donner aux pauvres. Mes amis vivent ici aussi et nous sommes tous les victimes des riches. Enfin, mon cas est un peu particulier…
- Pourquoi ?
- Je suis un fils de riche qui s’est rebellé contre sa famille et son rang à cause de ce genre d’injustice comme celle que ta famille à connue, ainsi que les inégalités des classes sociales. La vie de la forêt est tellement plus amusante, c’est ce qu’on appelle la liberté. Tu devrais nous rejoindre.
- Je ne peux pas abandonner mon frère !
- Quel âge a-t-il ?
- Quatorze ans.
- C’est l’âge parfait pour s’adapter le plus facilement ici ! Je suis arrivé ici à cette période de ma vie. Fort bien, je vais préparer ce qu’il faut pour votre arrivée, reviens demain ici-même avec ton frère. »
Il disparut aussi rapidement qu’il n’était apparu : par les arbres.

Lorsque SooRin raconta son étrange rencontre à son frère, il resta un peu sur ses gardes, pas trop sûr de pouvoir faire confiance à un voleur, même s’il était un hors-la-loi au grand cœur. Mais il accepta finalement de tenter l’expérience, se disant qu’après tout, ils n’avaient plus rien à perdre. Ils partirent le lendemain dès l’aube, main dans la main, le frère suivant avec confiance sa sœur.
« Vous arrivez bien tôt dites-moi ! »
Si SooRin n’eut pas sursauté, son frère, lui, fit un bond d’au moins un mètre. Jun Hoo descendit de sa cachette avant de se placer devant Woo Min.
« Voici donc ton frère ? Il a l’air un peu fragile mais je pense qu’il s’adaptera bien. Toi, tu n’auras aucuns soucis, j’en suis persuadé. Reprit-il à l’adresse de la jeune fille. Suivez-moi. »
Sous le regard surpris du jeune frère, les trois jeunes gens s’éloignèrent dans la profondeur de la forêt, aucun d’entre eux n’osaient rompre le calme qui régnait dans le lieu remplit de mystère. Soudain, ils arrivèrent dans une clairière qui offrait un merveilleux spectacle naturel : une cascade se jetant dans une rivière claire dans laquelle les animaux de la forêt, tels les cerfs ou les biches, venaient se ressourcer. C’était le paysage que Soo Rin avait toujours rêvé de voir un jour. Un paysage de liberté, de nature sauvage, de paix.
Ji Hoo ne s’arrêta cependant pas devant cet endroit, et se dirigea vers la falaise à proximité de la cascade. Il commença à grimper sur certaines pierres solides, offrant sa main en aide à la jeune femme qui tentait, tant bien que mal, de le suivre, avec son frère qui, lui, se débrouillait plutôt bien en escalade.
Un passage. Le hors-la-loi au grand cœur fit un sifflement qui semblait être celui d’un oiseau, et, aussitôt, une jeune femme qui devait avoir l’âge de Soo Rin apparu derrière un rideau de liane qu’elle fit légèrement glisser sur le côté. Elle dévisagea impoliment les deux nouveaux avant de se poster sur le côté avec un sourire afin qu’ils puissent entrer dans le repère de Jun Hoo et ses amis.
Le frère et la sœur se firent plutôt bien accepter, même s’il y avait parfois des difficultés d’adaptation. Si Woo Min se révéla être un vrai homme de la forêt, crapahutant dans les arbres et dans les falaises sans difficultés, permettant ainsi d’aider à la recherche de nourriture, Soo Rin se contenta d’apprendre à se défendre en combat et de manier l’arc et les flèches grâce à Jun Hoo. Elle aimait préparer à manger pour tout le monde, et améliorer le lieu dans lequel ils vivaient en construisant des meubles avec « les moyens du bord ». Le temps qu’elle ne passait pas ainsi, avec Jun Hoo qui était devenu un très bon ami, elle le passait auprès des animaux de la forêt.

Quatre ans après son arrivée dans la forêt, l’évènement qui bouleversa la vie de la jeune fille se produisit.
Comme à son habitude, arc et flèche à portée de main, la jeune fille se promenait le long de la rivière, le bruit de l’eau courante l’apaisant, lorsqu’elle se retrouva face à une femme qui se tenait près d’une biche.
« SooRin, je t’attendais.
- Pardon ? Nous connaissons-nous ?
- Toi non. J’ai eu l’occasion de t’observer pendant près de quatre ans, donc en effet, je te connais. Je suis Artémis, déesse de la chasse et des bois. D’après mes observations, tu sembles être ma digne représentatrice sur Terre. Il est rare que je me présente dans le lieu des mortels mais je suis ici pour faire de toi une élue. Mon élue.
- De quoi parlez-vous ? Vous plaisantez ? Je ne saisis pas vos paroles.
- Acceptes le cadeau que je t’offre et protège les humains des déchus, tu es au-dessus de tout cela, tu as une destinée autre que celle que te réserve la vie d’humaine. En tant qu’élue, il te sera possible de protéger les humains d’un mal trop pesant sur leurs épaules et contre lequel ils ne peuvent se défendre. Ne me dis pas que tu ne crois pas ces paroles, je te connais assez pour savoir que tu crois en la magie. Acceptes ce pouvoir et soit la digne représentatrice d’Artémis, reine de la vie sauvage. »

Une fois Artémis disparue, Jun Hoo s’approcha de la jeune fille qui venait d’accepter la proposition de la déesse mais qui semblait toujours sur le choc.
« C’est un honneur d’être l’élue de la déesse des bois. Je suis un humain de la vérité, je connais l’existence de ces dieux mythologiques, et je pensais qu’en m’entrainant le plus possible, je pourrais devenir le représentant de notre divinité, mais ce n’est pas quelque chose qui s’apprend, c’est inné, et tu as ce pouvoir en toi. Maintenant, il te faudra apprendre à t’en servir. Mais tu auras l’éternité pour cela.
- L’éternité ?
- Devenir une élue te donne, en plus d’un pouvoir, la vie éternelle, je crois. »
C’était un détail, bien important, qu’Artémis semblait avoir oublié de préciser.
Après quelques jours, elle fut surprise de voir des fleurs pousser à travers ses mains lorsqu’elle s’assoupissait sur un rocher. Son pouvoir semblait être puissant, mais difficile à maitriser. Elle comprit cependant qu’elle pouvait contrôler la terre et donc diriger les éléments de la nature sauvage : la flore et la faune.
Ayant peur de blesser l’un de ses proches, Soo Rin décida de quitter la forêt de Pusan et se dirigea plus au Nord-Est, même si la douleur de quitter son frère lui était insupportable, elle savait que c’était pour son bien.

Les années, puis les époques passèrent, la jeune femme dont la jeunesse était éternelle s’embellit et fit partit des cour des différents âges, s’anoblissant par son travail qui la rendait plus riche chaque année. Elle étudiait l’art et aimait danser avec les grands personnages de l’époque qu’elle voyait défiler sous ses yeux comme un simple livre. Le temps qu’elle n’occupait pas dans ses loisirs artistiques ou dans son travail de grande couturière, elle le réservait à l’apprentissage de son pouvoir, afin de pouvoir s’améliorer du mieux qu’elle pouvait. Elle apprit à le maîtriser, mais il lui était difficile de l’utiliser précisément. Elle eut de nombreuses périodes de remise en question, se demandant si Artémis avait bien choisit la bonne personne pour la représenter.
Ces dernières années, Soo Rin découvrit aussi qu’elle était capable de soigner les humains grâce aux plantes médicinale qu’elle était capable de produire. Cette capacité se révéla lorsque la jeune fille assista à un violent accident de voiture, vers les années1990, dans lequel étaient impliqués une famille composée d’un couple et d’un enfant de cinq ou six ans. Les parents étaient décédés sur le coup mais le petit garçon, bien que gravement blessé, était toujours en vie.
C’est quand Soo Rin posa sa main sur le cœur de l’enfant qu’une faible lueur verte s’échappa de ses doigts fins. Les plaies de la petite personne se refermèrent petit à petit, et, ne sachant pas vraiment que faire, le garçon reprenant petit à petit connaissance, Soo Rin le prit dans ses bras et l’emmena dans sa demeure.
Elle l’adopta et l’aida à grandir en l’éduquant correctement, principalement dans la croyance de la culture mythologique grecque, consciente qu’il adviendrait un jour où elle devrait lui expliquer certaines choses.
Ses craintes se révélèrent fondées car, quelques années plus tard, l’enfant devenu adolescent lui demanda pourquoi elle ne vieillissait pas. Comment avait-elle pu être la mère du petit garçon, et aujourd’hui ressembler à la grande sœur du jeune homme ?
Elle lui expliqua donc l’histoire des élus, et, même s’il eut du mal au départ, il accepta la vérité. Et Soo Rin était consciente qu’elle devait le protéger d’autant plus depuis qu’il était un humain de la vérité.
Si Aujourd’hui, Soo Rin a une vie paisible, au long de laquelle elle se contente de faire des petits travails pour son propre bien être, c’est-à-dire en dispensant des cours particuliers ou en créant des vêtements ou costumes, parfois même en faisant du mannequinat, elle redoute le jour où elle devra utiliser son pouvoir pour une cause importante.
La jeune et brillante danseuse est pourtant poursuivie, malgré les années, par les fantômes de son passé, un jeune homme, qui ressemble à son propre frère, lui apparaissant chaque nuit en lui demandant « pourquoi m’as-tu abandonnée ? ». Pourquoi l’avait-elle abandonnée ? Pour la sécurité de son frère, et ce fut certainement le choix le plus difficile et le plus blessant qu’elle eut à faire, elle regrette ce choix parfois, mais se dit qu’il aurait été trop dur de voir son frère vieillir, contrairement à elle, et de le voir disparaitre tout comme leurs parents…
Cette absence de famille créa un sentiment de vide chez Soo Rin qui, malgré son âge, c’est-à-dire huit cent ans, reste encore une enfant dans sa tête.